Drogue : Le Chinatown d’Aubervilliers, plaque tournante de réseaux de blanchiment

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ParAntoine Izambard le 05.07.2019 à 13h15

A travers plusieurs affaires tentaculaires, la police et la gendarmerie ont démantelé plusieurs gros réseaux de blanchiment d’argent de la drogue ces dernières années.

900 kilos de cannabis saisis. Au moins 13 millions d’euros blanchis. 24 interpellations. Baptisée « Babel », l’affaire est l’un des plus beaux coups réalisés ces derniers mois par les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). De Dijon à Orléans, en passant par Aubervilliers et Bordeaux, les enquêteurs français ont démantelé en 2017 et 2018 un vaste et complexe réseau de blanchiment d’argent de la drogue. Ce dernier, comme l’a écrit Le Point, a notamment mis en lumière le rôle du Chinatown d’Aubervilliers. Une demi-douzaine de commerçants chinois ont ainsi été interpellés en mai 2018 par l’OCRGDF. Ils sont soupçonnés d’avoir vendu d’importantes quantités de textile à un saraf marocain (arrêté lui en mai 2017), c’est-à-dire un banquier occulte qui est chargé de blanchir l’argent du trafic de cannabis.

Le procédé mis au jour par les policiers français est semblable à ceux observés ces dernières années dans d’autres affaires, telle « Virus » dont le procès s’est tenu en 2018. Celle-ci a mis en lumière un système tentaculaire qui a mêlé des trafiquants de drogues, des commerçants chinois, une fratrie d’origine marocaine, les Elmaleh dont l’un des frères travaillait pour la banque HSBC à Genève et des exilés fiscaux. Une lessiveuse XXL qui a permis de blanchir près d’un milliard d’euros via plusieurs systèmes ingénieux. L’un d’entre eux reposait ainsi sur le Chinatown d’Aubervilliers où plusieurs grossistes en textile recyclaient dans leur commerce l’argent de la drogue. Les trafiquants récupéraient ensuite leur « dû » au Maroc où ils bénéficiaient de la complicité d’industriels marocains qui « maquillaient » la fraude via des opérations d’import/export avec les grossistes chinois. Autre option envisagée par les blanchisseurs: que les commerçants chinois procèdent à un virement sur un compte en Chine, lequel ressortaient ensuite sous forme de cash au bénéfice des trafiquants marocains.

Un phénomène qui inspire la série Engrenages

En 2015, l’affaire « Fièvre jaune » avait aussi donné un coup de projecteur sur ces mécanismes. Les policiers qui avaient dans leur viseur des trafiquants de stupéfiants marocains s’étaient très vite intéressés au Chinatown d’Aubervilliers qui leur servait à blanchir l’argent de la drogue. Après plusieurs perquisitions contre une quinzaine de sociétés de prêt-à-porter installées dans le « sentier chinois », ils ont découvert un mécanisme de compensation analogue à l’affaire « Virus.

https://www.challenges.fr/france/trafic-de-drogue-plusieurs-reseaux-de-blanchiment-demanteles_662416